Le jour où j’ai cessé d’être un cancre pour devenir le meilleur de la classe
J’ai redoublé deux fois dans ma scolarité. En CM2 et en Seconde.
Ma première seconde était très difficile. C’est à cette période, que j’ai commencé à émergé concrètement de mon coma et je découvrais l’ampleur des dégâts et du retard que j’avais accumulé. Je me demande, restrospectivement, comment les enseignants avaient pu me laisser aller jusque là ! Comment aucun adulte ne s’était rendu compte que l’enfant que j’étais avait un réel problème ? Mystère. Ma mère en avait conscience et elle essayait de tout faire pour me sortir de là. Elle me conduisait chez l’orthophoniste, la psychologue – elle m’y emmenait en voiture puis attendait dans la rue jusqu’à la fin des consultations alors qu’elle avait une somme de travail colossale à coté – et m’avait offert des cours particuliers de français et de mathématiques. J’avais conscience de son inquiétude et de ses sacrifices qu’elle faisait pour moi. Je voulais qu’elle soit fière de moi. Je m’appliquais pour y arriver
J’étais dans un marasme pas possible. Je voyais mes camarades réussir autour de moi et pour moi, c’était une vraie galère. Je demandais à ma mère de m’acheter des livres. Je m’étais doté d’une Bible, de deux ouvrages pour le moins singuliers – « Ainsi Parlait Zaratoustra » de Nietsche et « Mal du dos, Mal du siècle » dont je ne me souviens pas l’auteur – et un bon dictionnaire. J’étais attiré par ces ouvrages et je suivais naturellement cet élan. C’était mes premières lectures. Et j’en ai transpiré ! J’ai pris tous les mots que je ne comprenais pas et j’en cherchais la définition. Je voulais comprendre. Et très souvent, malgré les définitions, les phrases restaient obscures. Je demandais l’aide autour de moi. Et quelle surprise de constater que chacun avait son interprétation et que souvent, le lecteur devait en relire les passages à plusieurs reprises.
Je consignais mes recherches dans un cahier et me donnais la peine de recopier journalièrement des pans entiers de phrases. Je notais également dans un cahier mes rêves. Je trouvais qu’ils avaient le même langage que l’ouvrage de Nietsche. Quelque part, j’arrivais à pénétrer ce langage symbolique très aisément.
En fin d’année, l’annonce du redoublement fut à la fois une grande peine, mais également un soulagement. Je voulais changer. En été, je continuais mon travail personnel (recherche des définitions de mots, recopier, retranscrire mes rêves) et je continuais les exercices de français et de math. Je poursuivais aussi les consultations chez la psychologue qui – un jour – poussa vers moi un livre noir posé sur son bureau et me dit :
- Tenez, c’est pour vous. Une amie me l’a prêté pour vous. Cela vous correspond.
J’étais vexé mais je le pris. Je ne comprenais pas comment elle avait la prétention de me connaitre, moi qui semblait être tellement complexe.
Je rentrais à la maison avec ce livre étrange. Je m’installais dans le fauteuil de ma chambre, mis le Requiem de Mozart dans le lecteur CD et je lus la couverture : « Le prophète endormi ». Je l’ai lu d’une traite… pendant 3 jours (c’était un exploit pour moi). Je ne cessai de pleurer. Un cri sortait du fond de mon âme « Je ne suis pas seul ! ».
Ce jour là, j’ai changé.
J’eu une passion soudaine pour la méditation et pour les expériences parapsychologiques. Je dévorais tous les livres d’Edgar Cayce. Ma mère me conduisait dans les boutiques ésotériques et m’offrait tous les ouvrages dont j’avais besoin. Mes parents n’étaient pas à l’aise de pénétrer dans ce genre d’endroit mais ma mère avait convainc mon père de me laisser faire.
J’entrai dans ma phase symbolique. Plus tard, je naissais à la réalité.
La rentrée fut un nouveau challenge. J’avais hâte de confronter mon travail personnel à celui qu’allaient nous demander les profs. Il y eut un changement au fond de moi. J’avais soif de comprendre et de perfectionner ma manière d’étudier et d’apprendre. Je voulais connaître les outils de la réussite et je m’en sentais capable. J’avais également découvert une méthode et je m’y conformais coûte que coûte : celle de la régularité.
Lors de ma première seconde, mon voisin de chambre m’avait raconté un jour qu’il utilisait une image mentale pour se motiver. Il s’imaginait être un bateau brise-glace qui avançait malgré les épreuves. Je trouvais son idée fabuleuse mais son image trop froide et trop rigide. L’avenir me donna raison : malgré sa réussite financière, il est tourmenté par des angoisses et des complexes qu’il a de plus en plus de mal à cacher. De l’extérieur il est fort. Body bulder, voiture sportive rouge pétante, des aventures à droite et à gauche, des millions dans son portefeuille, mais une vie intérieure perdue dans la solitude glaciale de son image qu’il a, avec le temps, sans doute oublié dans les méandres de sa mémoire.
Je décidais d’utiliser moi-aussi une image motivante pour cette nouvelle année. Je m’imaginais alpiniste, bloqué dans un gouffre. J’escaladais à coup de pieux la falaise et je tirais derrière moi sacs et matériel qui me permettaient d’aller jusqu’au sommet de la montagne. La montagne, c’était moi dans mon entièreté et dans ma complexité. Tous les soirs, avant de me coucher, je cherchais à sentir corporellement l’ascension. Et je sentais la corde qui me tirait vers le bas. Je faisais des étapes. Lorsque j’arrivais à un plateau, je montais les affaires. Je me débrouillais pour ressentir mes muscles tirer ce satané fardeau. Tout mon corps participait à cette montée imaginaire.
J’observais une chose étrange. Lorsque je le faisais, j’avais les meilleures notes. Lorsque je ne le faisais pas, les résultats chutaient.
Je n’étais pas le meilleur dans toute les matières. J’avais acquis un retard tellement énorme en histoire et en géographie, que je ne pouvais m’investir pleinement dedans. Construire sa mémoire à partir de rien est terriblement difficile. Il en allait de même pour les langues, que j’adorai, mais pour lesquelles j’avais un véritable blocage. Je n’arrivais tout simplement pas à rattraper mon retard matériellement. Je sacrifiais donc ces matières au détriment des autres. Et je réussis ! Dans les matières principales, ma moyenne oscillait entre 16 et 20 sur 20. J’en profitais alors pour rouvrir les classes le Mercredi et donner des cours de soutien aux plus faibles.
Je me sentais enfin vivre. J’avais une emprise sur la matière et sur ma vie.
Mais mon enthousiasme ne suffit pas pour aider les autres. Etrangement, je n’arrivais pas transmettre mes connaissances. Cela me troublait. Je fournissais trop d’effort pour de piètres résultats et les notes de mes camarades ne furent pas aussi mirobolantes que je le désirai. Cela allait déboucher sur une de mes plus grandes découvertes qui allait me permettre d’obtenir un résultat étonnant avec le minimum d’effort. Mais cela, je le raconterai dans une autre histoire….