Petit traité d’éthologie sur le sommeil pour que bébé dorme enfin !

A bien le regarder, le corps humain appartient au règne animal (les cellules du corps réagissent comme tel), mais si vous observez la nature, le nouveau-né ne pleure pas comme savent le faire les petits humains! Dans le monde animal, un nouveau-né qui hurle met en danger tout le troupeau. Imaginez si la nuit, le faon se mettait à brailler au beau milieu de la forêt ! Le loup ne ferait pas long feu ! Alors, que lui arrive t-il à notre bébé, pour qu’il crie ainsi toute la nuit – et même parfois la journée - au point de mettre véritablement en péril le quotidien des parents qui se meurent d’épuisement ? Est-ce un comportement naturel ? Pour ma part, je trouve cela complètement illogique. A quoi réagit-il donc ? Que font les animaux que nous ne faisons pas ?

Les trois sommeils du cheval

Chaque animal a sa manière de dormir. Le cheval, par exemple, réputé pour être un animal peureux, a un sommeil assez particulier qui se répartit en trois phases principales qui correspondent à des attitudes caractéristiques : 1. Debout, tête basse, un membre postérieur relâché et posé sur la pointe du sabot : le cheval somnole. Cette position est sécurisante pour lui, car à la moindre alerte, il peut réagir immédiatement. La respiration et la circulation se font aussi plus facilement dans cette position. 2. Couché « en vache », en position ventrale, les membres repliés sous lui, le museau appuyé sur le sol : il dort d’un sommeil léger ou lent. Son activité cérébrale baisse, mais il conserve toutefois un certain tonus musculaire. Il peut donc réagir rapidement si nécessaire. 3. Couché sur le côté, allongé de tout son long, les jambes étendues, le cheval s’abandonne à un sommeil profond ou paradoxal. Dans cette position, il rêve : activité cérébrale intense et faible tonus musculaire (atonie). Cette période est courte : cinq minutes.   Notez que
« si le cheval peut « dormir debout », il lui est pourtant nécessaire de se coucher pour pouvoir atteindre le sommeil paradoxal, qui lui permet de bien se reposer. Mais les chevaux ne se couchent que lorsqu’ils se sentent en confiance et en sécurité : ainsi, dans les troupeaux sauvages, certains membres dorment pendant que les autres montent la garde pour assurer la survie du troupeau. Un environnement calme où il a ses habitudes l’aide également à trouver le repos. S’il dort très peu, le cheval a quand même besoin de son temps de sommeil, nécessaire à sa santé et à son moral.»
Nous retrouvons ici les postures du bébé : 1. Celle où il somnole : besoin d’être porté, mais dès que vous le posez, il braille, 2. Celle où il est couché sur le côté ou le ventre (position décriée par peur de la mort subite du nourrisson, mais qui revient à la mode), 3. Celle où il est couché sur le dos et s’étend de tout son long, bras ouverts, les quatre fers en l’air. Comme chez l’animal, le niveau de détente dépend du niveau de confort et de sécurité. Retenez : pour dormir, il doit se sentir en sécurité, et ce niveau de sécurité est très variable d’une espèce à l’autre.

Les lions ne feront pas des gazelles !

Plus une espèce est exposée au danger, plus son sommeil est léger et fractionné. Certains animaux, comme le canard, ne dorment que d’un œil. De même, certaines espèces aquatiques ne reposent qu’un hémi-cerveau à la fois parce qu’ils ne peuvent rester immobiles (ils ont besoin de nager pour respirer). Nous avons du mal à le concevoir, parce qu’ils n’ont pas le même sommeil que nous, mais il s’agit bien de périodes de repos et de récupération. Les mammifères, eux – en plus – ont besoin de sommeil profond (plus l’espèce est petite, plus elle en aura besoin). C’est dans ce sommeil qu’apparaissent, sur une courte durée, les rêves. Ils permettent de classer les souvenirs et sont indispensables. Tous les mammifères n’ont pas le même besoin en rêve. En fait, l’activité onirique dépend de la place dans la chaîne alimentaire ! L’homme rêve 2 heures par nuit, le mouton, lui, 2 minutes. Dans la savane, où toutes les classes de la chaîne alimentaire se côtoient, il existe donc mille et une façons de dormir. Parmi tous ces animaux, deux espèces nous intéressent particulièrement : le lion et la gazelle. Observez un félin. Ses gestes sont lourds et gracieux. Son rythme est lent. Lorsqu’il se repose, il s’affale de tout son poids sur le sol. La gazelle, elle, a un rythme rapide. Ses gestes sont saccadés. Elle est toujours en tension, prête à bondir pour échapper à un éventuel prédateur. Sa survie dépend de l’acuité de ses sens et de sa vitesse. Elle dort essentiellement debout, par petites tranches de vingt minutes. Notre environnement influe donc sur notre qualité de sommeil. Or nous avons besoin de sommeil profond et de rêver, ce qui demande une totale sécurité environnante. Si le milieu venait à paraître dangereux, la vigilance serait de mise. Chose surprenante, chez l’homme, ce n’est pas tant l’environnement qui compte, mais la manière dont il le perçoit. Et parfois, il y a un monde entre la réalité et ses projections, qui plus est, inconscientes. Nous sommes tous un peu gazelle, ou plutôt lion, mais le problème, c’est que les lions ne feront pas des gazelles, et inversement : les familles gazelles n’auront pas de bébés lions. Des parents anxieux offrent, malgré eux, un environnement illusoirement dangereux. L’attitude de l’adulte se fait inévitablement ressentir sur l’enfant et elle ne peut se travestir : on ne peut pas faire semblant de ne pas être anxieux ! Cela se ressent biologiquement.

L’univers de la gazelle

Le comportement de notre gazelle, toujours aux aguets, ça ne vous rappelle personne ? Il s’agit de ces enfants qui, en classe, ne peuvent rester sur place. Ils ont besoin de bouger, ne peuvent se concentrer sur une seule activité, et sont distraits par les moindres bruits et tout ce qui bouge. Un brin hyperactif. En réalité, ils sont aux aguets (pensez aux oreilles des chevaux qui bougent dans tous les sens et qui épient tout ce qui se passe autour d’eux), toujours en mouvement, prêt à réagir à la moindre sollicitation. En fait, prêt à fuir le prédateur. Et ça tombe mal, parce que dans cette structure hiérarchisée qu’est l’école, basée sur la compétition, avec des clans, des maîtres, des leaders, les intellos, les chouchous, etc., ils sont mal à l’aise. Ils se sentent en danger. Vous reconnaîtrez également  le comportement de notre gazelle chez certains bébés : tendu et agité, dont le corps est crispé et les poings serrés. Il se cantonne en position fœtale et ne peut s’ouvrir pour se détendre. Ce bébé ne pourra se coucher sur le dos. Il aura besoin d’être porté, mis en position fœtale, au chaud et au contact de la mère. Il donne l’impression de devoir être rassuré. C’est pour cela que la mère est inquiète, elle le sent en détresse. Il ne dort pas véritablement. Il somnole. Le moindre bruit le réveillera. Ses pleurs sont une demande pour trouver une ambiance sécurisante. Son rythme est rapide. Son métabolisme aussi. Il digère vite et semble avoir toujours faim. Une vraie antilope, quoi !

Manger ou être mangé

Le sommeil étant une période vulnérable, le mammifère ne peut donc se permettre de dormir toute une nuit d’affilée. La solution a été de fragmenter son sommeil en imposant quelques réveils pour s’assurer que son environnement ne présente aucun danger. C’est ainsi que se sont mis en place les cycles de sommeil. Chez l’homme, le cycle dure entre 1 heure trente et deux heures. Périodiquement, l’individu sort donc de sa léthargie pour vérifier que tout va bien. Les réveils nocturnes sont donc normaux, même si, le plus souvent, ils sont oubliés au réveil le matin. L’adulte, lui, immerge de son sommeil profond, se retourne puis se rendort. Mais le bébé, lui, ne se retourne pas. Il pleure… puis se rendort naturellement. Il n’y a pas besoin de s’inquiéter. La première erreur des parents est de sauter à son chevet dès qu’il pleure, et de le prendre dans les bras pour le rassurer. En faisant cela, ils le réveillent. Ne le prenez pas impérieusement dans vos bras ! Laissez-le dormir. Une autre solution pour ne pas se faire manger fut de veiller pendant que d’autres dorment. C’est ce que fît l’homme de tout temps. Pour augmenter les chances de survie dans le milieu hostile dans lequel ils vivaient, les hommes préhistoriques vivaient en tribus, se réunissaient autour d’un feu et désignaient un ou plusieurs de leurs membres pour veiller, c’est-à-dire surveiller les alentours et alerter si danger il y avait (je ne peux ici m’empêcher d’y voir nos enfants qui ont besoin d’une lumière et d’une présence pour dormir). Rappelez-vous, les chevaux font pareil : certains membres du troupeau veillent pour que d’autres puissent profiter d’un sommeil profond. Et c’est ce qui se produit parfois : bébé hurle tellement qu’il éveille toute la maisonnée. Indirectement, maman reste éveillée une grande partie de la nuit, si ce n’est la nuit entière. Elle veille, pendant que les autres dorment. Ce ne serait pas problématique, si ce n’est que notre société ne permet pas à aux parents de vivre aux rythmes de la nature comme le faisaient nos ancêtres. Nous ne pouvons nous permettre de dormir dans la journée et accumulons donc une dette en sommeil. La vie moderne est hélas, par de nombreux aspects, aux antipodes d’une vie saine et normale. En attendant de trouver le pourquoi de ces hurlements, il serait raisonnable pour la maman de se caler sur le sommeil de bébé et de dormir quand il dort. Même si ce sommeil est fractionné, et donc pauvre en activité onirique, il permet de ne pas sombrer. La manière de dormir dépend donc de la situation, et surtout du rapport à cette situation. Il est clair que sur l’échèlle alimentaire, question survie, il vaut mieux manger que d’être mangé ! C’est sans doute pourquoi certaines mamans donnent systématiquement le sein ou le biberon à chaque fois qu’il pleure. Cela le, et la, rassurent. Gare aux abus. Ne le noyez pas ! Il risque de faire un rejet au lait. Le vrai problème est ailleurs : l’insécurité réelle ou virtuelle de son environnement. Pour comprendre cette idée d’insécurité virtuelle, plongeons-nous brièvement dans l’évolution.

Pourquoi l’ours polaire est-il blanc ?

ours Dans la nature, l’animal s’adapte à son environnement.  Le lionceau naît couleur savane, l’ourson polaire naît blanc, couleur de la banquise. La particularité des attributs d’une espèce n’est donc pas un hasard, mais le fruit d’une adaptation progressive au biotope. Certes, l’évolution est lente, mais chaque génération apporte son lot de nouveauté. Et chez l’homme, à quel environnement s’adapte l’enfant ? C’est là que ça se complique…   Malheureusement, l’homme ne voit pas le monde objectivement. Il projette ses désirs et ses croyances et déforme la réalité. Il est Don Quichotte qui se bat contre des géants, là où il n’y a que des moulins ! Il semblerait donc que l’enfant soit adapté à la représentation inconsciente de la réalité de ses parents, voire de ses ancêtres plus lointains, puisque – ne l’oublions pas – l’évolution est un processus lent, qui s’étale sur de nombreuses générations. On parle de mémoire trans-générationnelle. Même si je ne vois pas l’utilité d’être adapté au monde de mon arrière grand-père (puisque entre temps il a beaucoup changé), je constate en cabinet qu’il en est – dans une certaine mesure – bien ainsi. Nous venons au monde chargé d’une mémoire. Au fil des consultations et de mes recherches, j’en suis même arrivé à être surpris qu’on puisse croire que les enfants viennent tout innocemment sur Terre. C’est à peu près la même absurdité que de croire que ce sont les cigognes qui apportent les bébés. Non. Les enfants portent bel et bien en eux le matériel génétique de leurs parents dont ils sont issus, riche de leurs expériences et de leurs mémoires… mais pas forcément celles qu’on aimerait. D’un point de vue intellectuel, cela peut paraître absurde (être adapté à une situation révolue, qui s’est produite dans le passé), mais du point de vue cellulaire, cela se comprend. Sachant que toute aventure émotive qui met en marche la machine biologique laisse une trace et se transmet, nos enfants portent naturellement en eux les réponses biologiques et/ou psychologiques de nos périples. Et c’est d’autant plus vrai pendant la période gestationnelle, où l’enfant est baigné dans les hormones de la mère.

Ce que nous transmettons (involontairement) à nos enfants

La proie, dans notre monde humain, c’est la victime. Celui qui n’assume pas ses responsabilités et qui accuse les autres de la situation. Nous sommes tous un peu victime. Or être parent, c’est devenir responsable et se mettre au diapason avec la réalité comme elle est, et l’assumer. Une des réalités, c’est que notre état émotionnel durant la grossesse se retrouve chez notre enfant. En vivant le monde comme étant hostile, où l’on risque de se faire manger, nous conditionnons l’enfant à s’y adapter, en bien ou en mal. Nous lui donnons l’illusion de vivre dans une jungle. On sait aujourd’hui que les hormones de stress produites pendant la grossesse donneront de petits bébés. Le taux de cortisol dans le sang (hormone de stress) chez notre progéniture atteindra des quantités naturellement élevées et donnera des enfants sensibles et qui pleurent beaucoup (on retrouve ces hormones dans les larmes du bébé). Pleurer permet donc de se soulager d’une sensation d’inconfort dont le bébé ne peut définir l’origine. Il s’agit d’une vague sensation insécurisante. Plus l’enfant pleure, plus le soulagement sera important après. C’est un peu comme un grand huit : après la montée, il y a la descente. Nous pouvons d’ores et déjà nous faire une idée de la manière dont la grossesse ou l’accouchement ont été vécus et appréhendés, selon le niveau des pleurs de l’enfant. Il ne s’agit donc pas nécessairement de l’expression d’une souffrance actuelle, mais la traduction d’un ou plusieurs événements hautement stressant du passé familial, dont l’enfant essaie de se débarrasser ou de se soulager.

Vous savez dès à présent :

• reconnaître les bébés et les enfants « gazelles » (ils sont toujours aux aguets, tendus et ne peuvent tenir en place); • que, comme le cheval, nous avons 3 postures pour dormir et que celles-ci dépendent de l’état de confort et, surtout, de sécurité ; • que si le milieu est insécurisant, le sommeil est court, fractionné et superficiel. • qu’on ne peut s’abandonner à un sommeil profond que si on se sent en sécurité ; • que le sommeil profond et les rêves qui apparaissent pour partie dans cette phase sont indispensables chez les mammifères (et donc chez nous aussi) ; • qu’en vertu de l’évolution, la biologie trouve toujours des solutions pour s’adapter au biotope ; • malheureusement, contre toute logique, la vision du monde chez l’homme (son biotope) est erronée ; • et qu’en conséquence, nos enfants sont adaptés à une vision tronquée de la réalité ; • que nos angoisses inconscientes dépeignent un monde dangereux et hostile (la jungle); • que pour cette raison, l’enfant ne peut se détendre et s’enfoncer dans un sommeil profond. Nous verrons dans le prochain article ce qu’on peut faire de tout cela, comment y remédier et surtout, comment apaiser les tensions internes dont il fait l’objet. Ne cherchez pas la logique, l’inconscient n’est pas construit selon un mode cartésien, mais affectif. Cela peut dérouter un peu, surtout si on est habitué à tout penser (c’est propre à notre époque). L’avantage dans cet épisode difficile (les pleurs du bébé), c’est qu’on est prêt à dépasser nos limites et nos croyances pour le soulager. Nous sommes alors disposés à fouiller de nouvelles voies.
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